Difficile de savoir ce que l’on souhaitera faire demain, d’autant plus que bon nombre de métiers sont encore à inventer. Dans ce contexte, être outillé pour apprendre à naviguer dans un monde du travail incertain est un nouveau droit à revendiquer.
Les jeunes diplômés ont incarné le malaise au travail, la quête de sens insatisfaite. Avec la ferveur de la jeunesse, ceux dont le diplôme leur a ouvert les portes des plus grandes entreprises et que le marché du travail attendait ont décrié et fui des organisations qui ne leur convenaient pas. Nous en avons fait un phénomène générationnel. Pourtant, à côté de la difficulté très médiatisée des entreprises à retenir les jeunes talents, d’autres signaux faibles ont montré que l’ensemble du corps social était bousculé. Le monde a changé, les organisations aussi, contraignant les collaborateurs à des ajustements plus ou moins bien annoncés, préparés et accompagnés. Les manifestations de souffrance au travail ont pris bien des formes, avec des intensités variables : ras-le-bol, désengagement, «burn-out», «bore-out», «brown-out». A y regarder de plus près, les évolutions du rapport au travail semblent finalement bien plus contextuelles que générationnelles.
Fuir ou se désengager ?
Mon travail a-t-il encore du sens pour moi ? Nous pourrions croire que cette question est un problème de riches, réservé aux jeunes diplômés et aux cadres. Pourtant, l’expérience nous a démontré que cette question était universelle, sans aucun doute liée à ce qui fait notre humanité. Nous avons tous besoin de trouver un sens à ce que nous faisons. En revanche, c’est la réponse à cette absence de sens qui peut différer d’un individu à l’autre. Tandis que certains n’hésiteront pas à quitter l’entreprise, le métier qui ne leur convient pas ; d’autres resteront et s’accrocheront à leur job par peur de perdre le revenu qu’il représente, tout en se désengageant mentalement.
Les entreprises peuvent-elles encore fidéliser les jeunes ?
L’âge ou le niveau de diplôme ne sont pas toujours les meilleures clés d’analyse pour expliquer le choix d’un comportement plutôt qu’un autre. La nature du métier exercé, le contexte social dans lequel nous avons évolué, ou la perception que nous avons de nous-même sont au moins aussi importants. Ainsi, une personne exerçant un métier en tension requérant peu de diplômes, aura plus de facilité à quitter une entreprise qui ne lui donne pas de sens, qu’un docteur en histoire de l’art qui a rencontré des difficultés à trouver son job. De même, la confiance que nous avons en notre capacité à rebondir, à trouver des solutions quoi qu’il arrive, explique parfois davantage notre comportement vis-à-vis de l’entreprise que notre niveau de diplôme.
Si les organisations doivent prendre leur part de responsabilité, à l’échelle individuelle, subir ou résister ne sont pas les bonnes réponses sur la durée. Car elles rendent chaque jour plus difficile le fait de se rendre au travail, car elles condamnent, parfois, à se retrouver en situation d’être poussé vers la sortie. Alors, à tous ceux à qui la réforme du chômage donne envie de démissionner pour prendre un nouveau départ, voici quelques lignes d’encouragement et de conseils.
La connaissance de soi pour savoir vers où aller
Un axiome pour commencer : le changement, c’est la loi de la vie. Et une réalité : il est aussi difficile de prédire quels seront les métiers de demain, que ses propres envies dans 10 ans. Ainsi, la plupart des métiers que nous exercerons en 2030 ne sont pas encore nés ; et en regardant dans le rétroviseur, force est de constater que nos propres aspirations ont évolué au fur et à mesure des années. Conclusion : que nous le voulions ou non, nous ne resterons pas dans la même entreprise toute notre carrière, nous n’exercerons pas le même métier toute notre vie. Il faut donc se préparer au mouvement perpétuel de son cadre professionnel, apprendre à changer de cap lorsque cela s’avère nécessaire.
Et aller vers une autre vie professionnelle ne se décrète pas. Cela se prépare. Cela demande de la clairvoyance, de l’audace, du courage, de l’obstination, du temps. Et de la méthode ! Surtout lorsque l’on cherche à se diriger vers une vie professionnelle qui nous ressemble mieux. Il ne s’agit pas seulement de s’engager dans une stricte remise à niveau technique de ses compétences avec des formations métiers au sein d’une société apprenante qui nécessite qu’on se forme pour demeurer employable. Il s’agit en réalité de s’engager dans une mise en perspective globale qui inclut la redéfinition de ses propres aspirations sur le cadre de vie, les relations de travail, la place du travail dans sa vie. Un retour sur soi, une prise de conscience de ses besoins ; qui doit dans un second temps être, couplée à une identification des voies possibles au regard de ses compétences métiers, de ses «soft skills» et des pistes offertes par le marché du travail.
Des éléments qui peuvent, au même titre que les compétences métiers, être questionnés à échéance régulière, pour déterminer la prochaine étape de son parcours professionnel, pour bifurquer en conscience et éviter les changements hasardeux.
S’orienter tout au long de sa vie
Cet examen qui peut s’apparenter à un bilan de compétences, ne devra d’ailleurs plus être un événement exceptionnel dans une vie professionnelle, mais devenir une habitude, un réflexe pour la vie, une compétence développée par chacun afin d’être en capacité d’être durablement acteur de sa trajectoire. En toute autonomie.
Après avoir obtenu le droit au versement d’allocations-chômage pendant la période de transition, être outillé pour apprendre à naviguer dans un monde du travail incertain est un nouveau droit à revendiquer, car le monde change plus vite que jamais, et les facteurs de déphasage avec le quotidien professionnel se multiplient. Ceux qui s’apprêtent à arriver sur le marché de l’emploi connaîtront entre 8 et 20 métiers au cours de leur vie. L’exact inverse des carrières linéaires, des 40 ans de boîte jusqu’à la retraite. L’atout majeur dans le monde professionnel de demain sera donc de développer ses propres compétences de réinvention professionnelle, pour mener des changements de cap autant de fois que nécessaire.
En résumé, l’agilité professionnelle, la capacité à prendre des virages pour s’adapter aux évolutions structurelles du marché de l’emploi autant qu’à ses aspirations, sont à considérer comme des acquis personnels, des compétences à développer, plus que comme un déterminisme de classe.