En septembre 2013 j’ai quitté Air France pour devenir infirmière. Avant d’enfiler ma blouse, je dois réussir le concours d’entrée aux écoles d’infirmière. Je suis une prépa une semaine par mois pour me remettre à niveau et m’aider dans les révisions. Air France me finance ces six mois et mes deux premières années de scolarité.
La veille de la rentrée
Je n’avais qu’une hâte, que les cours commencent. Étrangement, je n’étais pas stressée. J’ai ressorti ma trousse, mes stylos, mon double décimètre, mes cahiers. Six ans plus tôt, j’avais suivi une formation pour devenir hôtesse de l’air, assez longtemps pour que mon blanc correcteur, trop sec, soit bon pour la poubelle. 9h, lundi matin. Je suis enfin de retour à l’école pour préparer le concours d’infirmière. Assise derrière un petit bureau, face à un tableau. Le premier cours n’en est pas vraiment un, on nous présente le règlement intérieur. Portable interdit, il faut lever la main pour prendre la parole et respecter les horaires.
On se présente. Nous sommes deux en reconversion professionnelle, toutes les autres élèves (il n’y a que des filles) ont moins de 25 ans. Parler en public, rencontrer de nouvelles têtes, pour l’instant, je ne suis pas dépaysée. Quand on est hôtesse, il faut savoir s’adapter rapidement, les équipages sont différents à chaque vol.
Les premières difficultés apparaissent le lendemain
Lors du cours de maths. Racines carrées, puissances négatives, je n’avais plus entendu ces mots depuis le collège. Ils ne m’avaient pas manqués, moi la littéraire. Je suis même appelée au tableau pour corriger un exercice. Je commence à entrevoir mes limites, sans me décourager. Heureusement, me dis-je, au concours, il n’y a pas que des maths. Car en culture générale, je m’éclate. Tous les sujets m’intéressent et je n’hésite pas à intervenir.
Je m’entends plutôt bien avec les autres élèves. Elles me posent beaucoup de questions sur ma fille, mon travail à Air France, mon conjoint. Avec une moyenne d’âge de 20 ans, elles ont toutes des chagrins d’amour, des copains qui vont et viennent. Il y a un monde qui nous sépare. Parfois nous parlons d’évènements et les filles me rétorquent “je n’étais pas née”. Cela nous fait rire. À la pause, elles vont sur Facebook, moi je vérifie si j’ai un appel de la crèche.
Un jour de janvier, après quatre mois de cours, j’ai mis mes sabots et ma blouse d’infirmière
J’ai rejoint l’équipe de soignants du service d’urologie d’un grand hôpital parisien. Durant ces deux semaines de stage, je vais être au plus près du métier auquel je me destine. L’ambiance est bonne et si je ne peux rien faire de concret, je pose des questions et j’aide autant que possible.
Quand l’équipe apprend que je suis maman, le regard change. Les infirmières ont tellement l’habitude d’avoir des stagiaires, souvent des jeunes filles tout juste sorties de l’adolescence. Ma fille est un atout. Avec mon statut de maman, on me prend plus au sérieux. Mieux, nous échangeons des conseils sur l’éducation! Ces deux semaines me donnent une envie folle de retravailler.
Les infirmières que je côtoie ont du mal à comprendre mon choix. “Mais pourquoi quitter Air France? Tu as les billets gratuits”. Après quelques explications, elles comprennent. Elles me mettent en garde. “Attention le métier d’infirmière, c’est difficile” me dit l’une d’entre elles. “C’est difficile, mais c’est gratifiant” se reprend-elle. J’ai hâte de commencer.